37/85
Date : 21-05-2023 11:40:05
La spectaculaire victoire de l’armée des anti-écolos baptisée Teknival
CHRONIQUE. Un Teknival interdit s’est tenu dans l’Indre ce jeudi, au mépris de la loi et de l’écologie. Et dans une indifférence politique coupable.
Était-ce la guerre ? Soudain, dans ce coin tranquille de l'Indre, à 280 km de Paris, on se serait cru en Ukraine. Des ambulances au milieu des champs, des voitures de pompiers, des hommes casqués, des brancards portés en toute hâte vers les tentes dressées pour les blessés… et toutes les télévisions accourant pour filmer d'énormes engins diffusant un bruit d'enfer tandis que des jeunes et moins jeunes, pris, aurait-on dit, sous des feux contraires, s'agitaient bizarrement en ouvrant les bras et en écarquillant les yeux devant les caméras.
Non, ce n'était pourtant pas la guerre. Et l'homme en uniforme à épaulettes dorées qui contemplait, impuissant, le spectacle en répétant que « ça ne restera pas impuni » n'était pas un général méditant sa revanche, mais un préfet de la République, confronté à l'impossibilité d'exercer son autorité sans prendre le risque d'affrontements, peut-être mortels pour les policiers comme pour les jeunes. Juste un représentant d'une République impuissante. Car cela se passait au début d'un week-end de mai en France, le pays où tant de citoyens s'ennuient tellement en ce temps de paix présumée qu'il leur faut inventer des événements interdits. En l'occurrence, une gigantesque rave party organisée prétendument à l'improviste, en tout cas en dépit des interdits officiels, au beau milieu du vaste champ d'un agriculteur qui n'avait jamais vu tant de monde – 20 000, 30 000, bientôt près de 40 000 personnes, soit davantage que le nombre total d'habitants de la plus grande ville de son département, Châteauroux. « Géant ! » vous dit-on.
Opération interdite
La fête géante, nommée Teknival, était, répétons-le, interdite. C'est cela, évidemment, qui assurait son succès, après deux longues années de confinement. « C'est la magnifique célébration de trente ans de passion ! » clamaient hier ses organisateurs, parmi lesquels plusieurs dirigeants d'associations vouées à la liberté – toutes les libertés, y compris celle de se détruire et de commettre des agressions sous l'emprise de l'alcool et de la drogue. Dès ce vendredi soir, tandis que s'allumaient des feux de camp autour desquels les « teufeurs » allaient pouvoir boire, chanter et se bagarrer, on comptait trois participants hospitalisés en « urgence grave ».
À LIRE AUSSIIndre : une personne en urgence absolue au Teknival
Une douzaine d'autres avaient dû être évacués pour être soignés par les services d'un État honni. Sur les terres, envahies par surprise, d'un agriculteur, à deux pas d'un petit village d'une centaine d'habitants nommé Villegongis, dont le maire puis le président de la communauté de communes avaient, saisis d'effroi, alerté le préfet à l'approche du tsunami, s'étaient multipliés les voitures et les mobile homes écrasant l'herbe printanière tandis que se dressaient des centaines de tentes déversant leurs ordures dans la nature, même si quelques « teufeurs », prétendument écolos, avaient affirmé que chacun des milliers de campeurs ayant violé allègrement le droit de propriété d'un agriculteur respecterait, en revanche, à la fois la loi et la nature en emportant soigneusement non seulement toutes ses bouteilles vides mais ses déjections et détritus !
Des militants anti-écolos
Les « teufeurs » le savaient-ils ? Le mesureront-ils au moins aujourd'hui en écoutant la radio sur la route du retour ? Leur comportement n'est pas seulement dangereux pour eux et pour les autres, mais totalement démodé. « Out ». Car la mode, maintenant, est écolo. Entendez : au respect de la nature et des paysages, au goût du silence en réaction contre le vacarme des années d'avant-Covid, à la protection de la santé. À la sobriété. Au nom de la défense de la nature, on s'attendait donc à des contre-manifestations écologistes passionnées, comme l'ont été les manifestations anti-mégabassines dans la Creuse et ailleurs. Mais non. Les Verts avaient-ils décidé de s'accorder le « pont » de l'Ascension ? On ne les a ni vus ni entendus manifester leur opposition à l'organisation d'un stupéfiant Teknival qui allait détruire le calme d'un département si tranquille, polluer l'atmosphère, ravager les prairies, faire fuir les lapins et les oiseaux et provoquer des dizaines d'accidents humains liés à l'alcool et à la drogue.
Qu'attend donc Sandrine Rousseau, toujours si prompte à dénoncer les violences ? Et qu'attend le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, qui ira manifester samedi prochain – avec deux bons mois de retard ! – pour soutenir le maire démissionnaire de Saint-Brevin ? Et Élisabeth Borne ? Et son réputé infatigable ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin ? Et les courageux candidats présidentiels de droite si attachés à la défense de la nature, Édouard Philippe et Laurent Wauquiez ?
Aucun ne se sont pas offusqués de voir polluer l'eau, la terre et l'atmosphère, mettre en péril à la fois une propriété agricole, la vie de familles voisines et celle d'une trentaine d'infirmiers volontaires et de plus de 220 gendarmes. Ils ont eu peur, sans doute, ces spectateurs sourds et impuissants, de choquer ce qu'ils appellent « la jeunesse » .
lepoint.fr
|