38/47
Date : 01-04-2023 19:44:29
Usine à gaz en termes de financement
Reste que la fermeture très progressive de régimes spéciaux pose un épineux problème :
Comment continuer à financer pendant près de quatre-vingts ans les pensions et autres avantages maison, sachant que ces régimes, souvent, sont déjà sous perfusion du contribuable ?
Les rédacteurs de la loi de réforme des retraites ont bien conscience de ce défi puisqu'ils n'ont pas manqué d'alerter le législateur en précisant que la fermeture des régimes spéciaux en question « nécessitera […] de revoir le circuit financier de financement de ces régimes » et que « des travaux seront conduits en ce sens en 2023 dans la perspective du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 ».
Or ces travaux ont déjà commencé et, à défaut d'imagination, l'astuce consiste, ni plus ni moins, à « siphonner » les régimes de droit commun des salariés du privé, la Cnav et l'Agirc-Arrco, qui, plus que jamais, feront alors office de vache à lait au sein du système de retraite français.
Pour rappel, chaque année, près de 4 milliards d'euros sont déjà détournés des fonds de la Cnav pour alimenter d'autres régimes de retraite, dans un jeu de tuyauterie kafkaïen dont la complexité et le manque de légitimité ont été plusieurs fois pointés par la Cour des comptes.
Or l'idée est d'ajouter de nouveaux transferts improbables au sein de ce qui s'apparente déjà à une véritable usine à gaz.
Ainsi, tout au long du XXIe siècle, est-il prévu que les régimes de droit commun, dont les affiliés ont consenti les plus gros efforts dans le cadre des réformes successives, financent des régimes qui servent, au contraire, des prestations hors du commun, pour une génération d'agents qui aura été globalement très épargnée.
Évidemment, aucun principe ne peut justifier une telle « solidarité » à rebours qui n'a aucun équivalent dans les systèmes de retraite de nos voisins européens.
Pour mettre en place de tels montages, l'administration s'appuie sur le précédent de la SNCF qui est passé, ni vu ni connu, sans dérailler.
La fermeture du régime spécial de la SNCF a en effet été orchestrée dans le cadre de la réforme ferroviaire de 2018. Or les régimes de droit commun des salariés ont été invités à financer cette fermeture.
Pour le premier exercice (2020), le montant du transfert est faible puisqu'il s'est élevé à 10 millions d'euros, mais il a déjà quintuplé puisqu'il devrait atteindre 57 millions d'euros cette année et ne jamais cesser d'augmenter au cours des prochaines décennies.
En tout, plusieurs milliards sont appelés à transiter.
Ainsi, les régimes des simples salariés, avec leurs cortèges de smicards, financent déjà aujourd'hui la retraite de la SNCF et, demain, ce sera également celle du personnel de la RATP, des industries du gaz et de l'électricité et de la Banque de France.
Des régimes dans lesquels les carrières ont été globalement beaucoup plus courtes et où les pensions servies sont deux fois meilleures.
Tout ça, au pays de l'égalité, dans le plus grand silence des syndicats, qui, pourtant, n'ont pas trop de mal à se faire remarquer lorsqu'il est question de retraite…
Et, malheureusement, ce n'est pas un poisson d'avril !
|