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Date : 02-08-2023 10:53:45
Livrer des armes à sous-munitions à l'Ukraine : une transgression du "droit de la guerre" ?
Tribune
Par Renaud-Philippe Garner
La guerre est une pratique régie par des normes strictes, rappelle Renaud-Philippe Garner, docteur en philosophie, professeur adjoint en philosophie à l'Université de Colombie-Britannique, au Canada. Comment, alors, appliquer ce « jus in bello », notion juridique désignant les lois de la guerre, ou plus précisément la notion de justice à l'œuvre dans un conflit, s'agissant de la livraison américaine des bombes à fragmentation en Ukraine, réprouvées par la Convention de Dublin ?
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Une bombe à fragmentation, aussi appelée une bombe à sous-munitions, fait partie d’une plus vaste catégorie d’armes à sous-munitions. ces projectiles sont en effet des conteneurs pour un vaste nombre de sous-munitions, c’est-à-dire de petites munitions qui tapisseront le sol. Ainsi, on ne tire plus un seul engin explosif à la fois, mais un conteneur qui peut transporter jusqu’à 2000 petits explosifs.
On rapporte que jusqu’à 20 % des sous-munitions sont des « ratés », c’est-à-dire qu’elles n’explosent pas sur la cible. Le résultat est alarmant : un pourcentage important des sous-munitions devient autant de mines antipersonnel sur des territoires difficiles à cerner.
Même lorsque le conflit se terminera, le danger ne sera pas passé. On peinera à trouver et neutraliser ces « ratés ». Ils deviendront donc autant de dangers qui guetteront des civils chargés de la reconstruction ou des enfants qui jouent.
Une centaine de pays ont signé la Convention de Dublin en 2008 pour s'engager à ne jamais employer, sous aucun contexte, d’armes à sous-munitions. De surcroît, les signataires s'engagent à ne jamais participer, directement ou indirectement, à l'utilisation de ces armes. Parmi les signataires, on compte l’Allemagne, la Belgique, le Canada, la France, l’Italie et le Royaume-Uni.
Il se trouve donc que de nombreux membres de l’Otan doivent observer les Ukrainiens employer des armes, fournies par les États-Unis, qu’ils répugnent eux-mêmes à utiliser.
AU NOM D'UNE JUSTE CAUSE
D’aucuns diraient qu’il faut accepter cette transgression. L’Ukraine est en position défavorable et il faut leur donner les moyens de vaincre l’armée russe. Rares sont ceux qui se battent en se croyant iniques et injustifiés.
Lorsque la Chine ne sera plus un observateur des conflits internationaux, nous découvrirons s’il est sage d’affirmer que les « justes » peuvent transgresser les limites qu'ils trouvent inopportunes. Comment dit-on « nous pouvons parce que notre cause est juste » en mandarin ?
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